Au cours de ses « mille vies »[1], Bernard Tapie n’a laissé personne indifférent. Intelligent et pugnace, celui qui a pu être qualifié de « bonimenteur magnifique »[2] s’est attiré autant d’admirateurs que de détracteurs. Car comme l’a fait remarquer Éric de Montgolfier à l’occasion de son décès, « ses défauts étaient sans doute à la mesure de ses qualités »[3].
Aimant prendre des risques, Tapie n’a pas hésité à brûler quelques feux rouges. La manière dont il a structuré son groupe, selon la lecture que l’on en fait, peut témoigner de son audace[4] : d’un côté, la Société en Nom Collectif GROUPE BERNARD TAPIE (GBT) qui détenait son empire industriel (Adidas, Vie Claire, Wonder, etc.) ; de l’autre côté, la Société en Nom Collectif FINANCIERE IMMOBILIERE BERNARD TAPIE (FIBT), qui détenait son patrimoine privé, constitué notamment de son hôtel particulier et de son yacht (le Phocéa).
Pourquoi recourir à la Société en Nom Collectif (SNC), dont les praticiens connaissent le principal danger, à savoir la responsabilité indéfinie et solidaire de ses associés face aux créanciers ? C’est que cette structure sociétaire n’est pas dénuée de charmes.
En effet, le caractère translucide de ce type de société lui aurait permis, par la compensation des bénéfices et des pertes générés par ses multiples activités, de se rendre non-imposable au plan de l’impôt sur le revenu. De ce fait, Tapie aurait également pu échapper à la taxe d’habitation de son hôtel particulier rue des Saints-Pères, dans le VIIème arrondissement de Paris, dont la superficie était de 1500 m² ![5]
Outre les gains fiscaux, la SNC n’est pas sans présenter quelques menus intérêts. Une telle société n’était pas contrainte de publier ses comptes. En outre, prélever des fonds dans la caisse sociale n’est pas susceptible de constituer le délit d’abus de bien social, dont le champ d’application se limite pour l’essentiel aux dirigeants de SA, SAS, et SARL[6].
Selon le bon mot de Maurice Cozian, le recours à la SNC aurait permis à ce « professionnel de la survie »[7] quelques « dévergondages »[8] qui, s’ils lui ont permis de réaliser de substantielles économies d’impôt, ont finalement causé sa perte. En effet, à la suite de nombreux déboires très médiatisés, les deux SNC de Bernard Tapie ont été placées en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 novembre 1994. S’en est suivie la liquidation judiciaire des époux Tapie, prononcée par ce même tribunal le 14 décembre 1994[9].
Sans présager de ce qu’ont pu être ses réels objectifs, que retenir de la vie mouvementée du « Boss »[10] au plan patrimonial ? Essentiellement deux leçons.
La première est que l’optimisation de la seule fiscalité n’est jamais un objectif patrimonial légitime. Elle n’est en réalité qu’un paramètre à prendre en compte dans la structuration globale de votre patrimoine qui ne doit jamais prendre le pas sur vos réels objectifs : développement et transmission de votre patrimoine dans un cadre juridique et fiscal maîtrisé, optimisation de votre solde budgétaire, protection du conjoint, etc.
La seconde est que les schémas d’optimisation patrimoniaux pérennes ne sont jamais ceux qui ont pour « motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales » du contribuable. C’est d’ailleurs ce que rappelle le législateur, qui sanctionne les contribuables ayant commis un abus de droit d’une pénalité égale à 80% des droits éludés[11].
Vous souhaitez développer votre patrimoine dans un cadre juridique et fiscal maîtrisé ? Toute l’équipe de NOVALFI reste à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner dans la gestion de votre patrimoine.
[1] https://www.ladepeche.fr/2021/10/03/bernard-tapie-lhomme-aux-mille-vies-9828061.php
[2] https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-letranger-bernard-tapie-bonimenteur-magnifique-que-la-france-aimait-aduler-ou-detester
[3] https://www.francetvinfo.fr/politique/mort-de-bernard-tapie/mort-de-bernard-tapie-ses-defauts-etaient-sans-doute-a-la-mesure-de-ses-qualites-temoigne-l-ancien-procureur-eric-de-montgolfier_4793617.html
[4] https://www.lesechos.fr/1994/11/le-groupe-de-bernard-tapie-guette-par-la-cessation-de-paiements-893286
[5] COZIAN Maurice, Précis de droit des sociétés, Lexis Nexis, page 467, 2007
[6] C. com. art. L 241-3, 4° et 5° ; L 242-6, 3° et 4°
[7] https://www.voici.fr/news-people/actu-people/bernard-tapie-ce-surnom-tres-symbolique-que-lui-donne-son-ami-franz-olivier-giesbert-705679
[8] COZIAN Maurice, Précis de droit des sociétés, Lexis Nexis, page 467, 2007.
[9] Sentence arbitrale en date du 7 juillet 2008, page 11, http://fr.wikimediation.org/images/1/1c/Sentence_arbitrale_Affaire_Tapie.pdf
[10] https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/om/mort-de-bernard-tapie-les-hommages-des-marseillais-au-boss_4794743.html
[11] Article L 64 A du Livre des procédures fiscales